Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 31 mai 2017

Lecteur "nature"


Beau Ben

Ben Jordan par B. Charles Johnson

Au cinéma aujourd'hui : Departure*



Departure*
Date de sortie 31 mai 2017 (1h 49min)
De Andrew Steggall
Avec Juliet Stevenson, Alex Lawther, Phénix Brossard

Synopsis et détails
Beatrice et son fils passent une semaine dans une maison de vacances, dans un coin isolé du sud de la France. Le jeune Elliot fait la connaissance de Clément, un adolescent mystérieux, qui poussera peu à peu Elliot et sa mère à affronter leurs désirs. Pour chacun, c’est un changement profond qui se profile…

Phénix Brossard et Alex Lawther
 21 salles en France, dont 3 à Paris, mazette !

* Les distributeurs sont toujours en réflexion pour trouver un titre français.
Allez, j'ai une chouette idée : Départ

"120 battements par minute", révélation de Cannes 2017


Les acclamations qui ont accueilli l'annonce du choix du film de Robin Campillo* pour le Grand prix du Jury du dernier Festival de Cannes, disent assez combien ces 120 battements... ont fait battre le cœur des festivaliers.
Dans l'esprit de beaucoup, il s'agit de la véritable Palme d'Or 2017.
On devra attendre le 23 août pour apprécier un film qui s'annonce comme un véritable évènement.
En attendant, bravo au réalisateur et à toute l'équipe !


* Campillo a précédemment réalisé deux films remarquables : Eastern Boys (2013) et Les revenants (2004).
Il est également le scénariste d'Entre les murs, de Laurent Cantet qui obtint la Palme d'Or  en 2008.

mardi 30 mai 2017

Un bon maître


Un parfait amour


Souvenir au cœur


Bien agréable cette fin de semaine à Vérone où l'on croise, hélas, plus de Juliette que de Romeo.
Les garçons d'Italie sacrifient, eux aussi (eux d'abord ?) à la mode de la barbe et des tatouages : certains d'entre eux sont des fresques ambulantes !
Dès que le regard est attiré par un jeune homme dénué d'artifices pileux et picturaux, on peut se demander s'il a atteint sa majorité.
J'ai tout de même conversé avec ce ragazzo sans barbe et sans tatouage, amusé comme moi des évolutions périlleuses d'un homme essayant de remonter le courant de l'Adige à bord d'un canoë-kayak. Ce fut bref, mais le sourire de mon interlocuteur, que je laissai ensuite retourner à son "smartphone", me reste au cœur.



Desenzano di Garda

Le vieux port de Desenzano, construit par les Vénitiens au XVIè siècle - Ph. Silvano

lundi 29 mai 2017

Du parquet et des hommes


Blondeur

Samuel Rydbacken par Attilio Cusani

Le chemin des contrebandiers (Tombe, Victor ! Livre 2) Extrait 8

Quand mon père a pris sa retraite, il y a quelques mois, nous avons déménagé pour un appartement beaucoup plus confortable que celui que nous occupions dans cette caserne que j’abhorrai. C’est un vaste trois-pièces, au sixième étage d’un immeuble récent, sur le boulevard qui relie Antibes à Juan-les-pins.
L’avantage considérable, c’est que nous habitons maintenant à quelques pas du lycée et du Milk. Pour me permettre de travailler sans être dérangé, nous avons mis le piano dans ma chambre, laquelle est dotée d’un balcon qui offre une vue bien dégagée sur un vaste espace arboré que la voracité des promoteurs immobiliers n’a pas encore dévasté.
J’ai rangé mon domaine du mieux possible, ce samedi, pour recevoir mon invité. La chance me sourit qui a éloigné ma mère pour l’après-midi, pendant que mon paternel s’en est allé rejoindre quelque maîtresse.  Il ne réapparaîtra qu'au au moment du dîner, comme à l'accoutumée, repu de ces ébats écœurants que ma mère lui refuse depuis des lustres.
De plus, l’auteur de mes jours met du beurre dans les épinards de sa pension en assurant des fonctions de gardien des locaux de FR3 Nice, si bien que nous n’avons à supporter sa présence que de manière épisodique.
J’ai imaginé mille fois les instants que je vais passer avec Marco Alena, échafaudé les scénarios les plus divers, du plus ordinaire au plus débridé, j’ai répété, comme on le ferait d’un rôle dans un film, mon sourire d’accueil, l’attitude qu’il conviendra d’adopter ensuite – surtout ne pas laisser entrevoir la moindre émotion, et puis si, tant pis, être moi-même, me laisser aller, ça passe ou ça casse, trop de désir que je ne dois pas étouffer, ça fait trop de mal !
Le carillon du nouvel appartement est beaucoup plus agréable à l’oreille que la stridente sonnerie du précédent ; j’en attends le fa dièse-ré qui mettra fin à mes transes, les deux notes de la délivrance, la mélodie du bonheur espéré.
Le salaud se manifeste enfin avec une éternité de retard, dix minutes au moins après l’heure fixée.
Je n’arbore pas le sourire prémédité, je reste planté, là, sur le seuil, comme pétrifié, sous ce regard narquois qu’Alena me décoche à chaque rencontre.
- Oh, Soubeyrand, je reste sur le palier ou je rentre ?
Je ne lui fais pas observer que « j’entre » serait plus adéquat, bredouille un « je vous en prie » qui se veut amusant ; je joue mal, je suis nul, j’ai oublié mon texte et la gestuelle que j’avais mis au point. Je capitule déjà.
Le garçon-miracle, le chéri des minettes du lycée, s’avance en terrain conquis d’avance, jauge la déco rustique de ma mère – maman, que je t’exècre à cet instant ! -, les meubles provençaux des Nouvelles Galeries dans le salon-salle à manger, les napperons et le chemin de table de dentelle – l’horreur ! – et le canapé tapissé de cretonne à petites fleurs de bonne femme.
Il s’en fiche apparemment, il rigole :
- Tes vieux sont pas là ? Je le savais, c’est un piège, salopard !
Je bredouille qu’il se méprend, que c’est un pur hasard, que ce n’était pas prévu.
- Et le piano ? dit-il en insistant sur « le ».
- Euh, il est dans ma chambre
- Ah, et bien voilà, qu’est-ce-que je disais !
Et, avisant, la porte du lieu fatidique :
- C’est là, non ? Allez, on va chez le diable !
D’autorité, il entre, dresse un bref inventaire de la pièce, fixe le Gaveau comme s’il avait atteint le Graal et s’assoit au bord du lit. C’est seulement à ce moment que j’ose le regarder pour de bon, que je note la chemise largement échancrée sur la peau d’or fin, le pantalon très serré à la mode du jour, les cuisses d’airain, le maintien altier, les cheveux fins, si blonds, qu’il fait voleter d’un souffle, d’un tic que j’avais remarqué à plusieurs reprises et qui m’émeut à en mourir.
Il a vu mon trouble, n’en dit rien, s’amuse, désigne le piano du menton :
« Maître, me ferez-vous l’honneur de votre talent ? »
Je ne me fais pas prier : il n’y a que devant mon clavier que je retrouverai contenance.
Je n’annonce rien et me met en devoir de l’ébahir d’un Mendelssohn virtuose ; je joue trop vite et trop fort peut-être, parviens à oublier cette présence suffocante, m’investis totalement, termine en arrachant littéralement l’accord final.
Alena siffle :
« Putain, c’est pas rien ! »
Il y a un changement total d’attitude, de la considération, de l’admiration même dans ces quelques mots gaillardement énoncés.
« Encore, s’il te plaît. »
Je joue pour m’apaiser le deuxième Nocturne de Chopin en mi bémol, un « tube » imparable : je sais que là est mon meilleur atout pour séduire celles et ceux qui ont un cœur ; alors lui, peut-être...
Tout se joue maintenant.
Gagné : pendant le morceau, Alena se lève, prend doucement une chaise, s’assoit à côté de moi, penche la tête, ferme les yeux, s’abandonne, frémit lorsque j’émets – enfin !- la toujours désirée, la jamais atteinte, la miraculeuse note bleue, et je le sens prêt à chavirer.
Et, mu par une soudaine détermination, sitôt le dernier mi, sans plus de réflexion, je laisse ma main droite quitter le clavier, ne peux l’empêcher d’aller où elle veut, aimantée par l’échancrure de la chemise, entreprenant la caresse la plus hardie, la plus fébrile, l’irrépressible geste qui peut tout anéantir.
Mais Marc ne dit rien, soupire, les yeux toujours clos, vaincu.
Je déboutonne maladroitement la chemisette, me rassasie de la peau de son torse, de son cou, le garçon merveilleux tremble d’aise, approche ses lèvres pour cueillir les miennes, m’épouse.
Puis, brusquement, il se rejette en arrière, retrouve ce sourire assassin qui le distingue de tout autre :
- Je savais bien que j’étais un peu pédé, constate-t-il sans se départir de son flegme.
Il se lève à présent, s’allonge sur le lit, ôte sa chemise, fait glisser sa ceinture, déboutonne son pantalon qu’il fait glisser à mi-mollets. Le slip bleu-ciel laisse apparaître un impérieux, un orgueilleux renflement.
Alena fixe le plafond et, sur le même ton d'indolence feinte, me fait chavirer d'une phrase :
- Fais-moi jouir, Paul Soubeyrand !
(À suivre)
(c) Louis Arjaillès - Gay Cultes 2017
Si vous avez manqué le début :
clic


"Fais-moi jouir, Paul Soubeyrand !"

C'est ballot !

À Vérone, le ouifi gratuit est partout.
Las, j'ai laissé à Paris le petit carnet où je note les adresses des ami(e)s, mais aussi mes mots de passe !
C'est la raison pour laquelle j'ai dû attendre mon retour, hier soir, pour publier vos commentaires.
Pour me faire pardonner, cette photo, presque réussie, d'un beau garçon lisant au bord du Lac de Garde :



jeudi 25 mai 2017

L'icône à nu

Rudolf Nureyev par Richard Avedon, 1961

Lapinous


Trois jours en Italie, pendant lesquels j'ai prévu des images d'anges pas toujours aussi sages.
Sur une terrasse ombragée que j'affectionne, je terminerai mon épisode du lundi. 
Il y a trois ans, déjà, c'est le soleil de la Vénétie qui m'avait inspiré 
les épisodes les plus chauds du premier opus : ça promet !


"Last summer" : "je ne veux personne d'autre."

Samuel Pettit (Luke) et Sean Rose (Jonah)

Ils s'aiment depuis toujours.
Fusion.
Symbiose.
L'un reste et l'autre part :
l'argument est simple, dont Mark Thiedeman a fait le plus beau film d'amour, bouleversant de sincérité, qu'il m'ait été donné de voir ces derniers temps.
Il y a la beauté des deux principaux interprètes (Samuel Pettit et Sean Rose), la photographie de David Goodman, magistrale, et, en fond sonore, les Scènes de la forêt de Schumann.
Une révélation.



Last Summer (2015)
DVD (vostf) distribué par Outplay.

mercredi 24 mai 2017

Galipettes

Le "pont" de
l'Ascension s'annonce chaud.
Mettons-nous à 'aise, que diable !

Félix aux champs

Felix Gesnouin par Fanny Latour-Lambert

État de guerre



 Synopsis
Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean qui consume ses dernières forces dans l'action.

En compétition à Cannes, 120 battements par minute, le film de Robin Campillo (Eastern Boys) a bouleversé le Festival.
Par ce long métrage, donné comme candidat sérieux à une récompense, le formidable travail d'Act Up-Paris est historiquement légitimé. Enfin.
J'y reviendrai, bien sûr, lors de la sortie en salles.
Un excellent article de Culture Box ici : clic

Arnaud Valois, Nahuel Perez Biscayart dans "120 battements par minute' de Robin Campillo
© Les films de Pierre / France 3 Cinéma

lundi 22 mai 2017

Lire en toute liberté


Résolument po-si-tif !


Le chemin des contrebandiers (Tombe, Victor ! Livre 2) Prologue

Photo (c) Tom Franck - Tous droits réservés
C'est un sentier hérissé de ronces et de rosiers sauvages, un chemin de ronde en contrebas des villas des riches, à la pointe du Cap.
Tous les adolescents de la ville l'ont emprunté un jour.
On s'y rendait en expédition, de nuit, avec d’infinies précautions car les bruits les plus terrifiants couraient sur la présence d'un gardien armé jusqu'aux dents qui n'eût pas hésité à tirer sur le premier intrus pris dans sa ligne de mire.
Pourtant, on ne lut jamais dans la presse locale le moindre fait-divers pour confirmer la rumeur.
Il y avait toujours un gosse, cependant, pour affirmer qu'il connaissait quelqu'un qui avait reçu une chevrotine, une volée de plombs, une balle… - le projectile variait selon l'imagination du conteur.
Les plus jeunes s'y risquaient en pleine journée, équipés de masques et tubas, pour en rapporter quelque poulpe gluant dont ils savaient qu'il faut en taper la tête contre les rochers dès la capture afin d'en attendrir la chair.
Jamais par la suite Paul ne put déguster le savoureux octopode sans emprunter à nouveau en pensée le sentier interdit.
On pouvait fréquemment croiser sur la grand-route en arc de cercle ces bandes de joyeux gamins exhibant fièrement leur butin accroché à un fil de fer, clamant qu'ils avaient échappé à l'ogre mythique.
Les plus grands, les vieux qui avaient dépassé seize ans d'âge, s'y rendaient la nuit de préférence, en petit groupe, se donnant des frissons quand ils escaladaient le premier mur où, accroché à une chaîne rouillée, pendait l'écriteau fatidique :
"Propriété privée – Défense d'entrer – Danger".
Il fallait ensuite franchir quelques obstacles : murets, sentes noyées sous de hautes herbes qui vous griffaient et rochers moussus qui étaient selon eux "vachement casse-gueule".
Le chemin des contrebandiers – on disait aussi "contrepelars" : personne ne sut jamais pourquoi - les attendait en ultime recours au désœuvrement des soirs d'été où l'on n'a pas les sous pour s'offrir un verre au Pims ou mieux, pour aller se trémousser sur la piste d'un night-club.
Paul se souvient d'y avoir pris sa première cuite, d'un rosé chaud à bas prix acheté "en bas", au Printania.
On déconnait sur les rochers, se menaçait mutuellement de s'envoyer "à la baille", puis on s'asseyait en cercle sur un embarcadère de béton pour refaire le monde, se raconter des blagues, art dans lequel Paul excellait, présentant de véritables shows truffés d'allusions homosexuelles dans le but d'exciter la curiosité de quelque camarade jugé un peu plus attentif à ces choses que ses compagnons.
Il y était venu aussi en compagnie d’Angelo, à l'heure où le soleil renaissant donne à la Méditerranée des rougeoiements de jeune fille effarouchée.
Avec l’Ange, aux temps où ils se découvraient, ils se baignaient nus, s'enlaçant dans l'eau encore sombre et fraîche à l'aurore, s'étourdissant de baisers salés, s'étreignant jusqu'à faire exploser sans autre façon leurs verges juvéniles dont la sève rejoindrait quelque abîme peuplé de monstres marins.
(À suivre)
(c) Louis Arjaillès - Gay Cultes 2017
Si vous avez manqué le début (la suite, plutôt !) :
clic

Note
Pardon d'égarer mon (mes) lecteur(s), en livrant aujourd'hui ce texte, qui précède, bien sûr, les six extraits déjà publiés ici. 



Férocement amoureux


vendredi 19 mai 2017

Saines activités de plein air


Quasi parfait


Gloria Emmanuel in exelcis deo


Bien qu'ayant voté pour lui, je n'emboucherai pas les trompettes à la gloire du nouveau président de la république française.
Primo, il y a plus agréable à emboucher par les printemps qui courent (et oui, il m'arrive de m'autoriser une grivoiserie !).
Secundo, même si je peux me satisfaire de voir arriver un ministre de la justice qui va causer quelques suées nocturnes à (au moins) trois justiciables de renom, je ne peux que réprouver la nomination d'un adversaire acharné du mariage pour tous (Darmanin)et, bien sûr, d'un premier ministre qui s'affirme sans ciller "de droite".
Cela dit, j'apprécie la nomination de Madame Nyssen à la culture et de M. Hulot (qui renonce à ses vacances) à l'écologie.
Bref, le président fait ce qu'il avait dit qu'il ferait, et ne commet pas l'erreur politique monumentale de Chirac en 2002 qui n'avait absolument pas tenu compte de la composition de l'électorat qui l'avait plébiscité contre le père Le Pen.
Nous avons tellement été habitués au grand n'importe quoi au cours des quinze dernières années, qu'on peut expliquer, à défaut de l'approuver, le comportement des médias bluffés par les premiers pas commentés comme "sans faute" du nouveau monarque.
De là à accompagner chaque action d'un concert de louanges sans aucun recul, d'en faire un saint laïque, de pousser des soupirs extatiques à chaque parole prononcée, de signer des éditoriaux en génuflexions mystiques, il y a un monde. Et l'on rappellera à mesdames et messieurs les journalistes les mots du grand Albert Londres qui coiffent le présent billet.
Les vicissitudes de la politique, les événements nationaux et planétaires à venir vont, sans doute, doucher quelque peu l'encensoir des thuriféraires de la pensée macronienne.
On se contentera d'espérer que le nouveau venu fera bien son boulot, qu'il saura écouter la colère qui gronde dans nos provinces (Paris étant l'exception qui confirme la règle), et faire en sorte de déconcerter les populistes de tout poil ; bref, d'apaiser ce pays malade de ses divisions.
Allez, on s'autorise encore un peu de rêve, ça fait pas de mal.

Faites gaffe quand même, M. Hulot !

Juste assez pour rêver