Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mardi 31 décembre 2013

Lawrence d’Arabie : et au début, il meurt.

Lawrence-Peter éveilla en moi un trouble non identifié alors.


C’était le cinéma de mon enfance, une grande et belle salle où l’on voyait sur écran géant les films tournés en 70 mm, superproductions chamarrées que l’on projetait en roadshow à l’américaine : les lumières s’éteignaient en diminuendo, puis, sous l’écran, jaillissaient des jets d’eaux éclairés par des spots multicolores pendant l’ouverture ; car il y avait une ouverture musicale, comme à l’Opéra, qui permettait d’entrer doucement dans le rêve en technicolor. Il y avait un entracte, puis, à nouveau la musique et l’on s’emmitouflait à nouveau dans l’irréel.
Le cinéma était alors un spectacle total.
La belle partition de Maurice Jarre, à jamais gravée dans la mémoire des amoureux du 7ème art, déroulait ses harmonies dès le pré-générique. Lui succédait, avec les images cette fois, le ronronnement du moteur de la motocyclette du colonel Lawrence. D’emblée, on entrait dans le drame : la machine sur la petite route de campagne, l’obstacle, l’embardée, la mort. David Lean et son scénariste, Robert Bolt, avaient choisi de commencer ainsi leur narration, par la mort du héros, dont on découvrirait l’épopée par un flashback qui nous transporterait là-bas, dans une Arabie au bord de l’explosion, exsangue, divisée en tribus que Lawrence parviendrait à fédérer pour faire refluer l’envahisseur ottoman.
 Lawrence était beau
 Lawrence était beau, vaillant, et quelque peu torturé de nature. A l’écran, on lui donna les traits de Peter O’Toole, et, plus jamais, Lawrence n’aura d’autre visage. De mes icônes d’adolescent, je garde une infinie tendresse pour Peter O’Toole et pour Audrey Heburn, que William Wyler réunirait plus tard dans une comédie assez moyenne (Comment voler un million de dollars). Au sortir de l’enfance, quand on ne s’est pas encore trouvé, Lawrence-Peter éveilla en moi un trouble non identifié alors.


... l'un de ces deux petits mendiants...
Je me surpris à désirer ardemment entrer dans la peau de l’un de ces deux petits mendiants qui se mettent au service de l’homme blond.
Une scène m’a marqué à jamais, celle où Lawrence et son petit compagnon, en haillons, exténués de leur long périple, entrent, au Caire, dans le mess des officiers sous le regard méprisant des gradés : Lawrence , agrippant la manche du barman, exige deux limonades pour lui et ce « sauvage » que l’on ne saurait accueillir dans ce cercle (We want two large glasses of lemonade !).

Avec le jeune Michel de Carvalho
C’est à ce moment précis, plus qu’ailleurs dans le film, que Lawrence devint mon héros pour toujours et O’Toole avec lui, que l’on ne doit surtout pas réduire à cette seule interprétation. On le revit dans un très honorable « Lord Jim » réalisé par l’excellent Richard Brooks, dans cette comédie de Wyler (voir plus haut) avec ma chère Audrey, dans une comédie musicale improbable (Goodbye, Mr Chips), dans « La nuit des généraux » d’Anatole Litvak où il retrouvait Omar Sharif, en ange dans « La Bible » de John Huston et , pour faire bonne mesure, en pervers Tibère dans le porno-chic « Caligula » de Tinto Brass ( !) puis, plus récemment, en précepteur du « dernier empereur » de Bernardo Bertolucci.
A la fin, Peter O’Toole est mort. Le cinéma permet le plus beau des flashbacks : je serai à nouveau, ce soir, le petit traîne-savates des sables émouvants. Et je boirai un grand verre de limonade en l’honneur de mon cher disparu.
Silvano Mangana
(c) Gay Cultes 2014

Car il y avait une ouverture musicale, comme à l’Opéra, qui permettait d’entrer doucement dans le rêve en technicolor.

Le vrai Thomas Edward Lawrence à Damas
 
Une passion fatale pour les motocyclettes

"Je t’aimais, c’est pourquoi tirant de mes mains ces marées d’hommes,
j’ai tracé en étoiles ma volonté dans le ciel."
(T.E Lawrence)
La photo à Damas et cette citation m'ont été envoyées par Roger B., lecteur fidèle.

7 commentaires:

Sapere Aude a dit…

Magnifique hommage! Le raffinement de l'esprit est de mise en ce 31 décembre!

Maxence 24 a dit…

Tout à fait d'accord : c'est ça, le Maestro !

Silvano a dit…

N'en jetez plus, mes petits, et bonne fin d'année !

tequila-sunrise a dit…

Peter O'Toole que le grand public redécouvrit dans le film "Troie" de Wolfgang Petersen au coté de Brad Pitt au début des années 2000, et où personnellement je vis un fossé immense dans l'aura et la qualité du jeu entre les deux acteurs (devinez lequel je trouvais le plus charismatique dans la scène les opposants).
Ce sommet du cinéma que représente Lawrence d'Arabie à bénéficié d'une superbe édition blu-ray fin 2012.

PS: Paul et Victor ont ils vu Lawrence d'Arabie ou étaient-ils accaparés par d'autres occupations dans la cabine de projection ?

Silvano a dit…

Oui, tequila sunrise, je n'ai évoqué que ses bons films ;-)
"Lawrence" (dont j'ai acquis le Blu ray, bien sûr, est sorti bien avant l'histoire de Victor et Paul. Pendant les "reprises" estivales, ils n'allaient pas au cinéma... pour voir des films (vous avez raison).

Anonyme a dit…

Ce que l'on peut être obligé de faire, pour être enterré à Westminster, avec les rois !
Roger

Anonyme a dit…

La moto, qui va le tuer, lui avait été offete par George Bernard Shaw.
Roger